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Une œuvre nous touche et suscite le désir de la toucher


Se retrouver face aux sculptures de Charlotte Rouhier-Hohn, c’est faire l’expérience saisissante d’un doux relâchement et de nouvelles sensations dans son propre corps. On se surprend à se plier soi-même aux attitudes fluides ou plus tenues de ses œuvres et à suivre d’autres lignes possibles du corps. Grâce à sa maîtrise, son geste assuré conduit notre œil puis notre ressenti ; nous nous laissons volontiers guider par lui. 


Il y a l’hymne à la féminité, l’élan de la maternité, et plus encore celui enivrant du corps traversé par la vie, comme la matière pétrie par le plaisir. Le geste est vivant, entier, aussi bien fort que délicat, et l’on peut voir parfois l’âme jaillir dans la joie, ruisselant comme une source vive. Le travail de Charlotte R-H est d’abord une ode au corps, sublimé non pas dans ses formes mais dans notre propre regard.


L’envie charnelle nous prend d’épouser de nos bras ses personnages, d’attraper un petit pied retord, de caresser ici un dos musclé, là un nez retroussé, de prendre à pleine main un sein… Le mouvement est si généreux et harmonieux qu’il éveille le désir de faire corps avec lui. Charlotte R-H aime creuser la matière, la pénétrer de sillons qui sont autant de jalons ; elle éveille et nourrit ainsi notre sensualité. Nous devenons avides de toucher. 


La densité charnue des volumes, l’intense puissance qui se dégage de la matière, contrastent avec une fine sensibilité. Le solide ancrage d’un enracinement profond permet un envol aussi gracile que léger. Et cette polarité déployée incite à traverser divers états pour retrouver toujours l’équilibre. 


Charlotte R-H sait jouer avec la lumière qui agite la matière et sculpte ses œuvres ; ce qui les rend encore plus brillantes, au sens fort du terme. De surcroît, elle expose sou- vent ses personnages de façon à ce que leur ombre puisse être projetée. Et c’est alors qu’un trouble nous saisit. Outre le réalisme des corps ou de leurs attitudes, une vérité s’exprime et nous touche : celle de l’imperfection humaine et de sa grande beauté. 


Cette promenade en compagnie de Charlotte Rouhier-Hohn est d’abord une rencontre avec le vivant saisi dans son mouvement et son geste sait le cueillir dans son élan le plus émouvant. On se laisse ravir par la grâce qui se dégage de ses sculptures. Et l’on perçoit nettement que l’artiste y est, pleinement, et l’on a alors qu’un seul désir : courir la rejoindre. 


MPCV  

SCULPTER LA VIE

Charlotte Rouhier-Hohn travail de ses mains, sur le corps humain en tant qu’ostéopathe depuis 18 ans, sur la terre comme sculpteur depuis toujours. Sa démarche est une démarche de sincérité, celle d’une thérapeute passionnée par son métier. Pour elle, tout est affaire d’énergie donnée et reçue. En tant qu’ostéopathe, sa principale mission consiste à rétablir l’équilibre dans un corps biologique dont elle écoute la complainte par le toucher. Elle perçoit ses défaillances, reçoit son énergie puis la rend, la restitue dans son intégrité. Ses mains sont ici vecteurs d’une captation qui se fait réparation. En tant qu’artiste, elle manipule la terre, le matériau scruptural originel et lui insuffle l’énergie intarissable de la sensualité humaine. Ses mains sont alors vecteurs d’un don qui se fait création.


Son approche de la sculpture est la même que son approche de la vie et de son apprentissage : l’expérience de la vie est avant tout une expérience de la matière, qu’il s’agisse de celle qui existe et qu’il convient de sauvegarder ou de réparer, ou qu’il s’agisse de celle qui est disponible à la manipulation, malléable, et que le savoir-faire humain autorise à transcender.


Toute sa démarche vise à fixer dans la matière la légèreté d’un instant sans le sacrifier à la permanence de la matière solide. Le volume vivant se doit de l’emporter naturellement sur la forme superficielle de la sculpture finie, fatalement mortifère. Face à cet enjeu, l’irréprochable connaissance anatomique acquise par l’artiste dans son activité de thérapeute lui permet de porter le nu sculptural à un très haut degré de pureté, chant primitif à la gloire du vivant et de sa beauté.


“Univers des Arts” parution sept 2012

Par Thibaud Josset